La production de la langue médicale : aspect conceptuel
L'étude de la langue médicale permettra, d'une part, une comparaison avec le nom commercial et, d'autre part, contribuera à l'analyse conceptuelle du nom scientifique. Pour illustrer cette dimension, nous proposons l'examen d'une prescription médicale suffisamment riche, tant au niveau des noms scientifiques qu'à celui des noms commerciaux.
Il nous paraît important de souligner que la terminologie médicale est devenue le lieu d'une véritable mise en scène de la confrontation entre la linguistique et le conceptuel. Ces deux dimensions se concentrent sur des valeurs qui incitent le terminologue à prendre en considération le rapprochement entre deux systèmes : « La pratique terminologique nécessite qu'on fasse le partage entre la linguistique et le conceptuel, entre ce qui relève de la langue et ce qui ressortit à la pensée logique. »[1]
Concevoir le nom scientifique et le nom commercial comme deux systèmes distincts revient à soutenir l'idée que chaque nom (scientifique ou commercial) possède son propre code, ce qui peut entraîner un certain nombre de difficultés terminologiques, mises en évidence par l'analyse conceptuelle de certains termes.
Dans la prescription médicale retenue, constituée d'unités terminologiques médicales, le nom scientifique et le nom commercial apparaissent largement imbriqués. Dans le prolongement des travaux sur la production de la langue médicale, nous limiterons ci-dessous notre analyse à l'étude de quelques prescriptions médicales.
«Nom générique de la molécule - Metformine
Nom commercial- Glucophage, Apo-Metformin, Gen-Metformin, Glycon, Novo-Metformin, Nu-Metformin, RhO-Metformin
POURQUOI CE MÉDICAMENT VOUS EST PRESCRIT?
Ce médicament est un Antihyperglycémiant, il fait partie de la classe des Biguanides. Il est utilisé pour traiter le diabète, il diminue l'excès de sucre dans le sang.
COMMENT PRENDRE CE MÉDICAMENT ?
Prenez ce médicament RÉGULIÈREMENT, même si vous vous sentez bien. Avant de cesser ce médicament, vous devez absolument en recevoir l'autorisation de votre médecin. Ce médicament est efficace à condition que vous suiviez attentivement la diète recommandée par votre diététiste ainsi que les exercices recommandés. Prendre ce médicament avec un repas, une collation ou un verre de lait afin de ne pas irriter votre estomac. Si vous oubliez de prendre votre médicament à l'heure prévue, le prendre dès que possible sauf si c'est presque le temps de prendre votre prochaine dose. NE PAS DOUBLER LES DOSES.
MANIFESTATIONS NORMALES POSSIBLES.
Au début du traitement, la Metformine est associée à une intolérance gastro-intestinale. Les effets secondaires gastro-intestinaux comprennent nausées, anorexie (perte d'appétit), douleurs abdominales, goût métallique et diarrhée. L'usage prolongé de ce médicament tend à diminuer ces effets. L'acidose lactique est une complication grave mais rare. Si vous avez les symptômes suivants : diarrhée, respiration haletante, crampes musculaires ou douleurs musculaires importantes, faiblesse, insomnie rendez-vous à l'hôpital. Si des vomissements surviennent en cours de traitement aviser votre médecin afin qu'il puisse en déterminer la cause.
PRÉCAUTIONS
Ce médicament peut avoir des effets néfastes sur un foetus. On recommande donc de prendre des mesures contraceptives pendant le traitement et au moins quelques mois après l'avoir arrêté. Eviter de consommer des boissons alcoolisées en grande quantité durant votre traitement par la Metformine car l'alcool peut entraîner une élévation de la lactatémie chez le diabétique et il complique le contrôle de votre diabète. Donnez à votre médecin et à votre pharmacien la liste de tous les médicaments non prescrits et prescrits que vous consommez afin d'éviter des interactions. Gardez ce médicament hors de la portée des enfants. »[2]
Dans ce texte, nous pouvons observer que le fabricant du médicament attribue au terme commercial « Glucophage » un sens précis, adapté à ses propres intentions discursives, sans aucune volonté de l'utiliser dans un contexte scientifique. Cette interprétation se justifie par l'existence préalable d'un nom scientifique du médicament (« Metformine ») auquel le fabricant aurait pu se référer s'il l'avait souhaité.
Dans l'énoncé suivant : « il diminue l'excès de sucre dans le sang », nous constatons que le terminologue, contraint par les exigences du texte commercial, opte pour un synonyme contextuel.[3] Dans de nombreux textes, les terminologues qualifient l'« antihyperglycémiant » d'équivalent de « il diminue l'excès de sucre dans le sang ». Il est alors aisé de constater que le terme « hyperglycémiant », qui possède une signification précise dans la langue médicale spécialisée, désigne l'« excès de sucre dans le sang ».
Le point de vue que nous défendons ici est le suivant : le nom commercial n'est pas considéré, a priori, comme un nom secondaire possédant moins de valeur que le nom scientifique. Dans ce sens, il est important de souligner qu'une des caractéristiques du nom scientifique réside dans sa capacité à être utilisé à des niveaux de spécificité très variables, qu'il s'agisse d'un texte commercial ou d'un texte de spécialité.
Prenons à présent le terme « diète », que ce texte commercial emprunte à la langue spécialisée. Il s'agit d'un « régime alimentaire particulier, prescrit par le médecin, pouvant être restrictif ou, au contraire, enrichi de certains aliments. »[4] Sur le plan terminologique, la confrontation des deux termes (« diète » et « régime ») révèle une stratégie visant à informer le lecteur à travers un style différent.
Cependant, il ressort de cet exemple que l'emploi du nom commercial « régime » ne s'inscrit pas dans le même registre scientifique, ce qui justifie une telle utilisation. Le terminologue, ici, a préféré ne pas recourir à la langue commune, contrairement à d'autres cas.
La relation entre la langue commune et la langue spécialisée ne confère pas nécessairement au nom scientifique un pouvoir descriptif supérieur, malgré le risque de modifier l'intention discursive du texte commercial. C'est là une caractéristique marquante de l'emploi du nom scientifique.
Si nous examinons ce texte sous l'angle conceptuel, nous constatons que le terminologue s'efforce de rester aussi proche que possible de la terminologie de la langue spécialisée. Il opte pour une prescription médicale qui intègre les termes dans un cadre à la fois scientifique et commercial, d'où son choix de :
une intolérance gastro-intestinale (terminologie spécialisée)
effets secondaires gastro-intestinaux (terminologie spécialisée)
nausées (terminologie commune)
anorexie (perte d'appétit) (terminologie spécialisée et terminologie commune)
douleurs abdominales (terminologie commune)
goût métallique (terminologie commune)
diarrhée (terminologie commune)
acidose lactique (terminologie spécialisée)
respiration haletante (l terminologie commune)
crampes musculaires (terminologie spécialisée)
douleurs musculaires (terminologie spécialisée)
faiblesse (terminologie commune)
insomnie (terminologie spécialisée)
la lactatémie (terminologie spécialisée)
L'observation de ces termes montre que le terminologue opte pour une langue médicale où se mêlent, à des degrés divers, le nom scientifique et le nom commercial, ce qui brouille les distinctions entre langue spécialisée et langue commune. Tous ces exemples mettent en évidence la volonté du terminologue de s'éloigner quelque peu de la langue spécialisée afin de conférer au texte commercial une spécificité stylistique, marquée par une préférence pour la langue commune. Son projet est clair : il s'agit de fournir au lecteur les manifestations de la terminologie spécialisée tout en ouvrant son esprit à la terminologie commune.
Pour compléter nos analyses conceptuelles sur la production de la langue médicale, examinons une prescription médicale dont le support constitue un nouvel exemple d'ancrage terminologique. À première vue, nous remarquons que cette prescription est pleinement transposée dans la langue commune. L'image qui se dégage de cette production contribue, en effet, à proposer un modèle conceptuel plus accessible et mieux adapté aux consommateurs de médicaments :
«Nom
générique de la molécule : Répaglinide
Nom commercial : Gluconorm
POURQUOI CE MÉDICAMENT VOUS EST PRESCRIT ?
Ce médicament est un hypoglycémiant oral. Il fait parti d'une nouvelle classe d'hypoglycémiant oral soit les meglitinides. Il est utilisé pour traiter le diabète, il diminue l'excès de sucre dans le sang grâce à la stimulation de la libération de l'insuline par le pancréas.
COMMENT PRENDRE CE MÉDICAMENT ?
Prenez ce médicament RÉGULIÈREMENT, même si vous vous sentez bien. Avant de cesser ce médicament, vous devez absolument en recevoir l'autorisation de votre médecin. Ce médicament est efficace à condition que vous suiviez attentivement la diète recommandée par votre diététiste ainsi que les exercices recommandés. Ce médicament se prend habituellement 15 minutes avant le repas mais le moment de la prise peut varier entre immédiatement avant le repas à aussi longtemps que 30 minutes avant le repas. Ce médicament commence à agir en 15 minutes et son action peut durée jusqu'à 4 heures. Ce médicament offre des options diététiques flexibles et peut être prescrit avant un repas soit à 2, 3 ou 4 fois par jour en réponse à des changements dans le profil alimentaire. Il peut donc être intéressent chez la personne qui ne prend pas ses repas régulièrement. Par exemple, si elle saute un repas, la dose pour ce repas doit être évitée où si elle prend un repas additionnel elle pourra ajouter une dose pour ce repas où si elle retarde son repas la dose devra être retardée. Discuter avec votre médecin de la démarche à suivre dans votre cas.
Si vous oubliez de prendre votre médicament à l'heure prévue, sauter la dose puis reprendre tel que prescrit. NE PAS DOUBLER LES DOSES. Il serait pertinent d'inscrire vos oublis dans votre carnet afin d'en informer votre médecin lors du contrôle glycémique.
Les doses usuelles sont de 0.5mg à 4 mg avant un repas et la dose maximale est de 16 mg par jour.
MANIFESTATIONS NORMALES POSSIBLES
Ce médicament peut causer une hypoglycémie (baisse trop forte de sucre). Si votre glycémie (taux de sucre dans le sang) tombe au-dessous de 3.5mmol/l et que vous ressentez des symptômes (sueurs, tremblements, palpitations, nervosité, confusion, vision embrouillée et/ou faim), corrigez cette situation à l'aide d'une préparation commerciale de sucre simple (dextrose) contre l'hypoglycémie telle que Monojel, Dextrosol, comprimés B-D etc. Si vous n'avez pas ces produits sous la main, utiliser un jus de fruits ou une boisson gazeuse non-diète (½ tasse), miel, sucre de table (dissous dans l'eau) pour renverser cette hypoglycémie. Prendre une portion de féculents et de protéines (ex : 6 craquelins et 1 once de fromage) si le prochain repas a lieu 1 à 2 heures après votre hypoglycémie.
PRÉCAUTIONS
Ce médicament peut avoir des effets néfastes sur un foetus. On recommande donc de prendre des mesures contraceptives pendant le traitement et au moins quelques mois après l'avoir arrêté.Donnez à votre médecin et à votre pharmacien la liste de tous les médicaments non prescrits et prescrits que vous consommez afin d'éviter des interactions.»[5]
L'effet produit par ces prescriptions médicales occupe une place non négligeable dans le processus de production de la langue médicale. C'est donc ce point de vue conceptuel qu'il convient de prendre en compte : plusieurs termes doivent être envisagés afin d'appréhender l'aspect conceptuel de la terminologie commune dans une prescription médicale.
Dans ce texte, il revient au fabricant du médicament d'avoir conféré à la prescription un caractère conceptuel particulier en introduisant, au-delà de la terminologie spécialisée, une terminologie commune. Notre premier exemple illustre bien cet aspect conceptuel : le nom scientifique « Répaglinide » et le nom commercial « Gluconorm».
Force est de constater que l'utilisation du terme commercial « Gluconorm » tend à se généraliser au fur et à mesure que le terminologue met en avant sa dimension conceptuelle et commerciale. Ce terme s'intègre ainsi progressivement à la langue médicale, bien qu'il ne repose pas sur l'emploi du nom scientifique « Répaglinide ».
Compte tenu des variétés terminologiques présentes dans une prescription médicale, il apparaît clairement que la substitution d'un signe scientifique par un signe commercial constitue un moyen de communication privilégié entre le fabricant et le consommateur. Comme le rappelle Roman Jakobson, cité par Daniel Delas dans Roman Jakobson (coll. Référence) : « Dans tous les cas, nous substituons des signes à des signes. »[6]
À ce stade, le fabricant procède à une substitution double : dans un cas, le nom scientifique est remplacé par un équivalent résolument commercial ; dans l'autre, le nom commercial est adapté aux attentes du consommateur selon diverses stratégies.[7] Cette démarche révèle la spécificité d'une langue médicale qui cherche à obtenir l'adhésion du consommateur, tout en se rapprochant du discours publicitaire.
Dans l'exemple suivant, le terminologue recourt à une terminologie commune pour clarifier et enrichir la prescription médicale : « Ce médicament est un hypoglycémiant oral. Il fait partie d'une nouvelle classe d'hypoglycémiants oraux, les méglitinides. Il est utilisé pour traiter le diabète et diminue l'excès de sucre dans le sang. » Ce passage constitue un outil de communication efficace entre le consommateur et le fabricant. Toutefois, le choix d'introduire des unités terminologiques de forte intensité, telles que « hypoglycémiant » et « méglitinides », éloigne quelque peu le texte de la langue commune.
Le terme scientifique « méglitinides » illustre bien cette tension. Il comble une lacune terminologique, car il n'existe pas d'équivalent en langue commune. Il désigne une nouvelle classe d'hypoglycémiants oraux, réalité propre au discours médical. Or, sa définition pose problème : trop réduite si elle se limite à l'acception scientifique (« nouvelle classe d'hypoglycémiants oraux »), trop longue si elle intègre tout l'aspect conceptuel (« utilisé pour traiter le diabète, il diminue l'excès de sucre dans le sang »). Face à ce dilemme, le terminologue choisit d'accompagner le terme scientifique d'une définition explicative plus détaillée.
Dans un autre passage, le terminologue attire l'attention sur l'emploi d'unités terminologiques précises, comme « la libération de l'insuline par le pancréas ». Ce niveau de langue se situe à la frontière de la spécialisation, mais reste accessible au grand public.
L'élément le plus significatif est sans doute le choix de rendre certains termes scientifiques à l'aide de parenthèses explicatives :
- « hypoglycémie » → (baisse trop forte du sucre),
- « glycémie » → (taux de sucre dans le sang).
Cette stratégie témoigne de la volonté du terminologue d'articuler terminologie spécialisée et vocabulaire courant, en facilitant la réception du message médical par le consommateur.
En définitive, une partie de la réussite du terminologue repose sur sa capacité à structurer l'énonciation en fonction des attentes du destinataire. La prescription médicale devient ainsi un espace d'articulation entre deux registres d'expression — commun et scientifique — où se joue l'équilibre entre précision conceptuelle et accessibilité discursive.
sueurs (terminologie commune)
tremblements (terminologie commune)
palpitations (terminologie spécialisée)
nervosité (terminologie commune)
confusion (terminologie commune)
vision embrouillée et/ou faim (terminologie commune)
dextrose (terminologie spécialisée)
Monoje (terminologie spécialisée)
Dextrosol (terminologie spécialisée)
Le texte médical suivant mobilise une terminologie qui confère à la prescription une valeur conceptuelle spécifique. Cette dimension se manifeste notamment à travers l'emploi de certaines unités terminologiques dont la fonction est de structurer le discours médical. Ce qui retient particulièrement notre attention, c'est l'usage du nom scientifique, lequel condense une information conceptuelle précise et permet de distinguer le registre spécialisé du registre commun.
«Nom générique de la molécule : Maléate de Rosiglitazone
Nom commercial : Avandia
1.POURQUOI CE MÉDICAMENT VOUS EST PRESCRIT ?
Ce médicament est un agent insulinosensibilisateur, il fait partie de la classe des Thiazolidinediones. Il aide votre organisme à utiliser plus efficacement l'insuline qu'il produit en rendant les cellules plus sensibles à l'insuline. Vos cellules utiliseront le sucre plus facilement (c'est à dire que le sucre pénétra plus facilement dans les cellules) et diminuera votre glycémie.
2.COMMENT PRENDRE CE MÉDICAMENT ?
Prenez ce médicament RÉGULIÈREMENT, même si vous vous sentez bien. Avant de cesser ce médicament, vous devez absolument en recevoir l'autorisation de votre médecin. Ce médicament est efficace à condition que vous suiviez attentivement la diète recommandée par votre diététiste ainsi que les exercices recommandés. Ce médicament se prend avec ou sans aliments. Votre médecin peut vous prescrire ce médicament une fois par jour ( à prendre le matin au déjeuner) ou deux fois par jour ( à prendre le matin et soir soit au déjeuner et souper). Le prendre lors d'un repas permet d'éviter les oublis. Si vous oubliez de prendre votre médicament à l'heure prévue, le prendre dès que possible sauf si c'est presque le temps de prendre votre prochaine dose. NE PAS DOUBLER LES DOSES.
3.MANIFESTATIONS NORMALES POSSIBLES.
Ce médicament peut aussi causer de l'anémie ou de l'oedème (enflure). Si vos membres deviennent enflés, si vous avez un gain de poids inhabituel, si vous avez le souffle court ou de la toux, communiquez avec votre médecin.
4. PRÉCAUTIONS
Il est important d'aviser votre médecin si vous avez déjà fait de l'oédème (enflure aux extrémités) ou si vous avez déjà eu des problèmes reliés à votre foie ou si vous êtes insuffisant cardiaque. Votre médecin vous prescrira des prises de sang afin de mesurer le fonctionnement de votre foie avant le traitement par ce médicament et ceci pourra être répété régulièrement durant votre traitement. Avertissez immédiatement votre médecin si vous avez les symptômes suivant: nausées, vomissements, douleurs à l'estomac, manque d'appétit, fatigue, urine foncée ou jaunissement de la peau car ceci pourrait indiquer des problèmes au foie. Ce médicament peut avoir des effets néfastes sur un fœtus. On recommande donc de prendre des mesures contraceptives pendant le traitement et au moins quelques mois après l'avoir arrêté. Si vous approchez de la ménopause mais que vous avez déjà cessé d'ovuler (par exemple : en cas de polykystose ovarienne), ce médicament peut refaire démarrer l'ovulation, ce qui veut dire que vous pourriez tomber enceinte. Il faudra discuter des moyens de contraception avec votre médecin. Donnez à votre médecin et à votre pharmacien la liste de tous les médicaments non prescrits et prescrits que vous consommez afin d'éviter des interactions. »[8]
L'examen de cette prescription révèle la présence d'unités terminologiques spécialisées, à l'exception des unités symptomatiques exprimées en langue commune telles que : « nausées, vomissements, douleurs à l'estomac, manque d'appétit, fatigue, urine foncée ou jaunissement de la peau ». Celles-ci, bien qu'accessibles au grand public, doivent être considérées comme des unités terminologiques médicales.
Prenons tout d'abord l'unité terminologique Maléate de Rosiglitazone, qui connote l'idée de construction chimique. Son usage se limite au domaine professionnel scientifique, voire au milieu médical concerné par cette spécialité. Comme ce terme reste supposément inconnu du consommateur, il est relayé, dans le discours commercial, par une unité terminologique plus accessible : Avandia.
Le nom scientifique insulinosensibilisateur illustre également une unité relevant de la structure spécialisée du discours médical. Sa construction morphologique suit néanmoins une logique proche de la langue commune : elle associe le nom insuline à l'adjectif sensibilisateur. Cette composition permet de le définir comme suit : « Il aide l'organisme à utiliser plus efficacement l'insuline qu'il produit, en rendant les cellules plus sensibles à cette hormone. »[9]
Ainsi, la formation des mots scientifiques obéit à une double exigence : celle de la précision conceptuelle et celle de l'intelligibilité. Même si ces termes restent opaques pour le consommateur non spécialiste, leur sens est essentiel dans la mesure où la production de la langue médicale constitue une « synthèse originale se situant au carrefour des références structurales et situationnelles ».[10]
Dans ce contexte, le fabricant doit toujours se demander quelle acception donner à un terme comme Thiazolidinediones. Bien que ce nom scientifique conserve une valeur stable, il risque d'exclure l'effet suggestif et didactique attendu dans le cadre d'une prescription. Ce terme, hautement spécialisé, illustre parfaitement la distance entre la langue de spécialité et la langue commune.
Un autre exemple est le terme œdème, défini dans le Dictionnaire de médecine Flammarion comme « infiltration séreuse d'un tissu »[11]. Du point de vue terminologique, ce mot, parfaitement compris par les spécialistes, recouvre la même acception que le terme commun enflure.
Ce glissement de la langue spécialisée vers la langue commune apparaît clairement dans l'énoncé suivant : « Si vos membres deviennent enflés, si vous avez un gain de poids inhabituel, si vous avez le souffle court ou de la toux, communiquez avec votre médecin. » On observe ici une distinction nette entre le style scientifique et le style courant. Toutefois, une certaine cohérence se maintient puisque le fabricant de médicaments intègre, dans sa prescription, des formulations qui facilitent la compréhension du consommateur.
En définitive, la diversité des unités terminologiques mobilisées dans cette prescription médicale met en évidence une stratégie communicationnelle qui articule le registre spécialisé et le registre commun, permettant ainsi de renforcer le lien entre le terminologue et le consommateur.
insuffisant cardiaque (terminologie commune)
nausées, vomissements (terminologie commune)
douleurs à l'estomac (terminologie commune)
manque d'appétit (terminologie commune)
fatigue (terminologie commune)
urine foncée (terminologie commune)
jaunissement de la peau (terminologie commune)
la ménopause (terminologie spécialisée)
polykystose ovarienne (terminologie spécialisée)
De ces exemples, nous pouvons déduire que notre corpus recèle une multitude d'expressions médicales permettant d'exprimer le registre des noms symptomatiques, qu'il s'agisse de noms scientifiques ou de noms communs. Il en résulte que, pour appréhender pleinement la langue médicale dans toute sa spécificité, il est nécessaire d'être attentif à ses dimensions conceptuelles.